Transfuges de classe*, multipotentiels par nature ?
Dernière mise à jour : 19 avr. 2022
La première fois que j'ai vu un open space j'avais 12 ans et c'était pour accompagner ma mère femme de ménage dans des bureaux le soir en plus de son job de jour. J'y ai appris à être invisible.
Tout le contraire de ce qu'on attendait de moi en salle des marchés une dizaine d'années plus tard.
(* Depuis la publication de cet article, j'utilise plutôt le terme "transclasse" forgé par la philosophe Chantal Jacquet, moins péjoratif que le mot "transfuge".)

En 2021, je vous annonçais être slasheuse. En 2022 je vous révèle être transfuge de classe !
Un.e transfuge de classe ou un.e transclasse est une personne ayant vécu un changement de classe sociale dans sa vie.
Par exemple je suis ingénieure et executive coach alors que mes parents avaient des jobs de main d'oeuvre non qualifiée (femme de ménage, manutention, ouvrier, aide-cuistot).
Il y a un engouement depuis quelques années sur ce sujet qui n'est pas nouveau.
Articles, livres et documentaires mettent en lumière des personnes ayant connu une ascension sociale via les études et leur réussite professionnelle alors qu'ils viennent d'un milieu social modeste. On peut citer le livre sorti en septembre 2021 "Et tes parents ils font quoi?" d'Adrien Naselli, journaliste, auteur et transfuge de classe, qui a réalisé une enquête sur les transfuges de classe et leur parents.
"Quand on veut, on peut." L'hypocrisie de la méritocratie.
Dès le lycée, les quelques personnes au courant de mon origine sociale me disaient "quel parcours exemplaire !", "ton entourage doit être fier ! ", "tu es un exemple". Je n'ai jamais souhaité être un exemple. Ces réflexions m’ont souvent mise mal à l’aise, ne sachant pas si je devais répondre merci ou au contraire culpabiliser d'une sorte de trahison envers mon milieu social d'origine. Ce qui est certain c'est que cela me mettait encore plus de pression de savoir que j'étais un cas particulier. Je n'avais pas le droit à l'échec.
Venant d'un collège ZEP je n'ai jamais observé que l'on nous tirait vers le haut, c'était plutôt le contraire. Nous n'étions que des bulletins de notes à orienter vers un BEP ou un lycée technique. Ceux qui souhaitaient suivre une autre voie étaient souvent découragés.
Le jour de la rentrée scolaire en lycée où j'ai été acceptée sur dossier avec quelques autres élèves "Zepeux" nous avons été convoqué par la proviseure adjointe. Ravie, je pensais qu'elle allait nous féliciter ou nous proposer son aide en cas de besoin. Elle a au contraire prononcé cette phrase qui résonne toujours en moi aujourd'hui : "on sait d'où vous venez. Vous avez intérêt à vous tenir à carreau, dès le